A propos d’identité(s)?

Le dispositif de cette série présente des personnes de dos portant toutes un couvre-chef, photographiées à la même distance, avec la même focale, dans un environnement extérieur quotidien.

Elles sont donc photographiquement observées avec la même objectivité formelle ; les présentant sur un pied d’égalité, le noir et blanc renforçant encore cette uniformisation.

Individuellement, l’identité des personnes ne nous est pas donnée, étant de dos elles ne sont « identifiables » que par leurs vêtements et en premier lieu leurs couvre-chefs. Ces derniers peuvent représenter une profession, une religion, une provenance géographique, d’autres n’ont qu’une fonction utilitaire.

Ils nous donnent aussi des informations sur la personne et/ou son environnement : générationnel, météorologique, stylistique, fonctionnel…

Cet objet, élément de caractérisation visuel de ces individus, aboutit forcément à leur catégorisation, n’ayant pas d’autres éléments auxquels nous rattacher.

Le visible fait identité.

Cependant cette identité, induite par le visible, est réduite à la catégorie créée dans l’imaginaire. Il ne peut pas y avoir d’individualisation, comme dans un portrait. L’individu est ici réduit à un groupe, un genre, une communauté, une étiquette.

Il y a là un questionnement sur la photographie, et au-delà, le visible dans son ensemble, à rendre compte du réel d’une part mais aussi de mettre en évidence le mécanisme de construction d’une vérité à partir de simples éléments visuels sur lesquels nous projetons du sens.

Elle met en évidence l’échec de la démarche « objective », systématique, simplificatrice, sérielle et catégorielle d’où découle une simplification qui dénature chaque élément, que ce soit dans l’aspect photographique mais aussi social.

Cette série nous interroge, en tant que spectateurs au sens large, sur notre capacité d’analyse et de jugement.